Hydroélectricité : une proposition de loi grotesque en faveur des moulins…

Présenté à l’Assemblée, entre autres par Peter Vigier, Député de Haute Loire, et porté par Patrick Chaize, sénateur de l’Ain (et vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire), un projet de loi à contrecourant, voire d’un autre temps, est à l’étude entre le Sénat et l’Assemblée. Il vise à développer la capacité hydroélectrique des moulins en éclipsant purement et simplement deux décennies de la politique de l’eau appuyée sur des données scientifiques et des résultats incontestables ! Lire le projet de loi.

Le projet de loi dresse un tableau idyllique mais gravement erroné du rôle des moulins pour la transition énergétique et pour le fonctionnement des rivières. Selon l’auteur, plusieurs études montreraient que les moulins réduisent les pollutions des cours d’eau, augmentent l’autoépuration de l’eau et la survie des organismes aquatiques, etc. ! Ce rapport, dont certaines parties relèvent quasiment de la désinformation dans les plus hautes sphères de la nation, est scandaleux, alors que parallèlement les services de l’Etat, les collectivités, les associations travaillent depuis plus d’une décennie, avec des résultats à la clé, à l’amélioration de la qualité des cours d’eau, de la vie aquatique et du patrimoine en effaçant les retenues sur cours d’eau et les obstacles au libre écoulement des eaux.

De plus, le potentiel hydroélectrique de notre pays est développé à plus de 90% (les 10% restants étant irréalistes) et c’est d’ailleurs pour cela que la puissance hydroélectrique installée stagne depuis plusieurs années en France et n’augmentera presque plus. Le Ministère l’a intégré dans sa programmation pluriannuelle de l’énergie mais les hydrauliciens ne semblent pas de cet avis. Ainsi les lobbies de l’énergie hydraulique sont plus que jamais sur le terrain et dans la gouvernance pour faire passer sous l’étendard de la transition énergétique une loi qui affaiblirait encore une fois la santé de nos cours d’eau.

Le projet de loi est totalement hallucinant. Il propose notamment d’aménager la définition des réservoirs biologiques, des seuils et barrages en faveur du développement de l’hydroélectricité ! Ce texte envisage également que « les moulins ne puissent être taxés au titre des dommages à l’environnement », ces derniers restituant toute l’eau en sortie de système hydraulique et participants même à l’épuration de l’eau ! Ceci n’est vraiment pas sérieux !

L’impact cumulé des biefs et des barrages semble être totalement inconnu pour les auteurs. Le texte va même jusqu’à proposer que « les moulins soient exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties en raison du rôle qu’ils jouent au bénéfice de l’intérêt général ». Cela n’est-il pas grossier sachant que les producteurs bénéficient d’un tarif d’achat d’environ 4 fois le prix de marché sur le dos des abonnés au réseau public d’électricité (via la taxe CSPE) ? Les moulins ont certes une valeur patrimoniale historique mais leur usage et fonctionnement actuel est bien loin de ce qui les a vus naître il y a plus d’un siècle.

Alors non, restons sérieux, pas de loi pour généraliser les projets hydroélectriques sur les moulins, mais des examens au cas par cas !

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