L‘Hydroélectricité : une energie renouvelable mais pas systématiquement verte

Hydroéléctricité : Puissance installé en France (IHA,2017)

L’hydroélectricité couvre en monde 16 % de la production de l’électricité, en Europe entre 3 % et 96 % (en fonction des pays)

L’hydroélectricité constitue la troisième source de production électrique mondiale (16%), derrière le charbon (41 %) et le gaz (21%). Dans certains pays, notamment ceux de la région alpine, près des deux tiers voir plus de l’énergie électrique produite provient de l’hydroélectricité, pour d’autres pays par contre, cela ne représente que 3 à 10% de la production.  La France est le plus grand producteur d’hydroélectricité de l’Union Européenne (67 TWh), le deuxième du continent’Europe après la Norvège (144 TWh).

En Europe, aujourd’hui encore de nombreux barrages, petits et grands, sont en construction du fait de politiques de subventionnement des énergies renouvelables. Et ce malgré leur impact négatif sur les écosystèmes aquatiques. L’hydroélectricité a longtemps été perçue comme « écologique » simplement du fait qu’elle était renouvelable. Or son impact négatif sur le bon fonctionnement et la dynamique des rivières est avéré et important selon les cas (plus d’infos sur notre page Impact des barrages et seuils et la fiche réalisée par FNE «  Les cours d’eau à l’épreuve d’une énergie mature »).

Si la construction de grand barrages tend à baisser en Europe, la construction de microcentrales est en forte croissance.  Voir notre page « Petite et micro hydroélectricité : développement inquiétant »

ERN ne se positionne pas sur un « non » catégorique à toute hydroélectricité.

Dans certains pays, comme les pays de l’Europe de l’Est, le potentiel est encore peu exploité et un développement modéré, durable et réfléchi resterait acceptable. Pour ne pas répéter les erreurs commises par les pays ayant déjà fortement développé l’hydroélectricité, il serait nécessaire de définir un schéma d’aménagement global des cours d’eau, évitant ainsi le développement « sauvage » de centrales et permettant de préserver les rivières les plus intactes et à enjeux forts.

En revanche, dans les pays et régions européens, notamment de montagne, qui ont exploité quasiment tout leur potentiel hydroélectrique, en ne laissant que peu de rivières libres et en bon état, ERN se positionne pour une simple et unique amélioration du parc existant et vieillissant. Beaucoup d’ouvrages sont à moderniser, d’autres à démanteler pour assurer la cohérence avec la protection des espèces et des habitats.

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La position de ERN à l’exemple de la France

La production hydroéléctrique en France (2016)

La France a développé son potentiel brut d’hydroélectricité (hors territoires d’outre mer) à plus de 90%. Cette production joue un rôle très important dans le « mix énergétique » de notre pays (13 % en moyenne de l’électricité totale produite en France), la positionnant comme le plus grand producteur d’hydroélectricité de l’Union Européenne (France 67TWH/an, Suisse 31TWH/an), mais au prix de lourds tributs pour nos rivières et poissons migrateurs.

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C’est pourquoi l’hydroélectricité ne fait partie que marginalement de la transition énergétique en France (Loi de Transition Energétique, vise un objectif de 40 % d’énergie renouvelables en 2030, l’augmentation de la puissance hydroélectrique installée (incluant  l’énergie marémotrice) est comprise entre 0,4 et 1,1 GW (contre 12 à 14 GW pour le solaire et 11,5 GW à 15,7 GW pour l’éolien). ; il lui reste une marge de manœuvre pour devenir plus écologique et pas seulement renouvelable.

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ERN priorise avant toute chose une réduction de la consommation énergétique générale du pays ! L’utilisation de l’hydroélectricité doit s’appuyer sur l’amélioration du parc existant et non sur la création de nouveaux ouvrages hydroélectriques.

 L’utilisation de cette énergie implique une réflexion à large échelle, nationale au moins, incluant le renforcement de la préservation des zones de cours d’eau à forts enjeux écologiques ; ceci seulement permettra d’éviter le développement opportuniste et anarchique de nouveaux ouvrages, néfastes aux rivières françaises.

 Il importe également d’étudier et d’encourager l’usage des nouvelles technologies liées aux énergies renouvelables, qu’il s’agisse ou non d’hydroélectricité.

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  1. Renforcer la sobriété et l’efficacité énergétique

L’objectif de la France dans le cadre de la Transition énergétique est de réduire de 50 % la consommation d’énergie à l’horizon 2050. Le potentiel d’économie d’énergie est énorme ! Pour l’exploiter, des efforts importants doivent être entrepris, en particulier grâce à des comportements individuels et collectifs plus sobres, ainsi qu’à des bâtiments, véhicules et équipements aux performances énergétiques plus efficaces.

Plus d’infos : Le Manifeste négaWatt, en route pour la transition énergétique ! octobre 2015, Coédition Actes Sud/Association négaWatt

  1. Définir et faire respecter le principe de zones « no go »

Notre pays est largement équipé. Le potentiel résiduel d’hydroélectricité n’est que de quelques centaines de MégaWatts, tout au plus. Ainsi il faut faire en sorte que, sur les cours d’eau classés en Listes 1 et 2, définies par la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques de 2006, soient superposées des zones qu’on pourrait qualifier de « no go », au sein desquelles il ne sera possible ni de construire de nouveaux ouvrages, ni d’installer de turbines hydroélectriques.

Contre-exemples : Malgré les classements de cours d’eau en Liste 1, (réservoirs biologiques, cours d’eau à migrateurs, très bon état écologique), des projets de microcentrales continuent d’être proposés sur des « cours d’eau joyaux ». En 2018, des microcentrales sont programmées par exemple sur le Guiers Mort, une rivière classée en Liste 1 dans le Parc Naturel Régional de la Chartreuse, sur le Petit Tabuc, dans le Parc National des Ecrins, sur le Nant Bénin, dans le Parc National de Chartreuse, labellisé « Site Rivière Sauvage ». Une microcentrale est en chantier sur la Desges (Haut Allier), classée en Liste 1, juste en amont du Conservatoire National du Saumon Sauvage de Chanteuges.

  1. Améliorer le parc hydroélectrique existant en augmentant sa performance énergétique et écologique

Il est impératif d’améliorer les installations existantes. La modernisation des turbines et de toute la partie électromécanique des installations permettraient des gains importants de production, allant jusqu’à 30%  pour certains équipements. Sur l’ensemble de la production hydroélectrique, l’augmentation potentielle est estimée entre 1 à 4%. De même, la technologie et l’état des connaissances permettent aujourd’hui de reconfigurer complètement des ouvrages afin d’assurer la continuité piscicole et sédimentaire.

Exemple : En 2019 débuteront les travaux du réaménagement du Nouveau Poutès, sur le Haut Allier. L’ouvrage sera abaissé de 17 à 4-6 m. Equipé de clapet inversé, il sera transparent pour les sédiments et les saumons et conservera environ 80% de sa production. Plus d’infos sur ce projet sur DAM WATCH : https://www.ern.org/fr/dam-watch/   

  1. Effacer les ouvrages hydroélectriques ayant un impact lourd sur les milieux aquatiques

Il faut effacer les équipements qui ont une rentabilité économique faible et/ou un impact fort sur les milieux aquatiques. Il s’agit soit d’ouvrages identifiés comme stratégiques pour la biodiversité soit d’ouvrages mal conçus et arrivés en fin de concession ou d’autorisation. Il convient d’agir prioritairement sur les axes de circulation des poissons migrateurs et sur les cours d’eau où les déficits sédimentaires sont forts. Il faut prendre en compte le fait qu’il y a aujourd’hui souvent de meilleures options (éolien, solaire, biomasse) en termes de production d’électricité renouvelable.

Exemples : En 2018 seront effacés les grands barrages EDF de Vezins et de La Roche qui Boit, sur la Sélune dans la Manche. Les ouvrages qui cumulent 17 MW de puissance, (la puissance de 3 éoliennes offshore) et 25 GWh de production sont arrivés en fin de concession. Les effacements permettront de renaturaliser un petit fleuve côtier, débouchant dans la Baie du Mont Saint Michel, et de construire par la concertation locale une attractivité propice au tourisme durable. Plus d’infos sur ce projet sur DAM WATCH : https://www.ern.org/fr/dam-watch/  

Aux Etats-Unis, les Américains ont effacé sur la rivière Elwha, rivière à saumon historique, dans l’Etat de Washington, les deux grands barrages d’Elwha (32mètres) et de Glines Canyon (64 mètres de hauteur).

  1. Equiper de turbines certains seuils, écluses ou ouvrages ayant un usage d’intérêt collectif et situés hors des sites à enjeux

Certains ouvrages transversaux, comme des écluses, des barrages de navigation, des seuils de moulins à grande valeur patrimoniale, mais aussi des ouvrages d’alimentation en eau potable pourraient être équipés de dispositifs de production d’hydroélectricité, à condition que la continuité écologique soit garantie. Dans certains cas, l’équipement d’ouvrages, sur des obstacles qu’il est nécessaire de conserver en raison de leur usage d’intérêt collectif démontré, permettrait de restaurer la continuité écologique en générant une activité économique qui pourrait financer les dispositifs de franchissement.

Des nouvelles générations de turbines, à l’exemple des turbines VLH (Very Low Head, à rotation lente, à faible impact sur les populations de poissons) permettent d’équiper, pour des productions au fil de l’eau, des seuils ayant en eux-mêmes peu d’impacts pour les cours d’eau. D’après des suivis réalisés par l’Agence Française de la Biodiversité, ces turbines, correctement exploitées, causeraient des mortalités de l’ordre de quelques % à peine pour la dévalaison des migrateurs et des poissons d’eau douce.

 Exemple : En 2012, la microcentrale de Roanne a été inaugurée sur la Loire. D’une puissance de 6 MW, elle a été édifiée sur un barrage de navigation construit en 1909, non équipé de dispositifs de franchissement et impossible à enlever, car il alimente le canal latéral à la Loire, sur lequel s’est développée la navigation de plaisance. 5 kilomètres de rivières ont été rendus accessibles, jusqu’à l’aval du grand barrage de Villerest. Quinze jours après l’inauguration de la microcentrale, en avril un saumon de près d’un mètre a été observé dans l’échelle à poisson de la microcentrale.

  1. Optimiser la production des chaînes d’ouvrages

      Il est aussi possible, sur certains cours d’eau qui ne présentent pas d’enjeux écologiques majeurs, de reconfigurer entièrement le dispositif de production d’hydroélectricité. Certains barrages, par exemple dans des chaînes d’ouvrages construites au début du siècle peuvent être supprimés, remplacés par un ou des barrages de conception récente. Des ouvrages peuvent être surélevés, permettant des gains de production, et pour compenser l’effacement de certains autres, comme les Américains l’ont fait sur la Penobscot. Quoiqu’il en soit, il est très important de penser la production hydroélectrique à l’échelle de l’ensemble du bassin versant du cours d’eau. En ce sens, il faut favoriser le regroupement des concessions sur un tronçon ou sous-bassin entier afin d’en améliorer la gestion et de réduire l’impact sur la rivière.

 Exemple : La Romanche, affluent du Drac dans le département de l’Isère, a été équipée au début du XXe siècle pour les besoins industriels de la vallée (métallurgie). EDF a lancé en 2012 les travaux de la « Nouvelle Romanche ». Six centrales et cinq barrages ont été remplacés par une centrale souterraine et un barrage de prise d’eau. La nouvelle installation, qui devrait fonctionner dès 2020 sera plus puissante (155 GWh supplémentaire) mieux intégrée au paysage et plus respectueuse de l’environnement.

  1. Exploiter les nouveaux potentiels hydroélectriques alternatifs : hydrolienne, eau potable, eaux usées, hydraulique maritime et autres
Des techniques nouvelles sont en train d’émerger, comme les hydroliennes flottantes sur les cours d’eau, pour de petites puissances. Les collectivités travaillent par ailleurs pour mettre des micro-turbines sur les réseaux d’eau potable ou d’assainissement. Les hydroliennes marines constituent aussi un gisement de puissance prometteur, qu’il convient d’encourager.

Exemples : Après Madrid, la ville ardéchoise d’Annonay est depuis fin 2017 la deuxième ville d’Europe qui va produire de l’électricité, grâce à une turbine sur une canalisation d’eau potable. Aussi, la ville de Saint Etienne, dans le cadre de son Tepos, (Territoire à Energie Positive) est en train d’étudier les opportunités pour équiper ses ouvrages de production d’eau potable afin de produire de l’hydroélectricité.  Plus d’infos : http://infra-watt.ch/

  1. Mettre en place des réseaux intelligents et étudier le développement des STEPs pour lisser les pointes de consommation et de production
Il y a en France actuellement 5 grandes Stations de Transfert d’Energie par Pompage – STEP (11 au total). Le développement de STEP, sous certaines conditions (associées à une autre source de production d’énergie alternative à proximité notamment), permettant de répondre aux demandes d’énergie en période de pointe de consommation, est à mieux étudier. En parallèle, les technologies permettant une gestion intelligente des réseaux (smart grid) et le lissage des pointes sont à développer.

Plus d’infos sur le smart grid : www.smartgrids-cre.fr

  1. Réviser le modèle économique et inciter à des démarches alternatives volontaires

En France, l’hydroélectricité est un modèle économique sous perfusion, totalement artificiel, ne reflétant pas la réalité. Il est nécessaire d’arrêter de subventionner l’hydroélectricité, notamment la petite, et de stopper les obligations de rachat garanti pour toute hydroélectricité. Ces subventions doivent être fléchées vers le développement d’énergie renouvelable non encore exploitée (solaire, éolien…). En revanche, il faut augmenter les subventions qui permettront l’amélioration, la modification ou l’effacement de barrages existants et inciter les propriétaires et concessionnaires à aller plus loin (bonus) notamment par la création d’un label garantissant une production d’énergie renouvelable mais aussi écologique respectant, entre autres, les espèces piscicoles et le transport des sédiments. Les grands barrages qu’il ne serait pas possible d’enlever, seraient soumis eux à une taxe (malus) qui seraient utilisé pour financer la restauration des rivières.

Exemple : Depuis 1999, la Suisse a mis en œuvre un label intitulé « Nature Made Star ». C’est aujourd’hui le seul label d’énergie renouvelable ayant fait ses preuves qui inclut des paramètres écologiques contraignants. Toutes les infos sur www.naturemade.ch

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