Renaturation de la moyenne Romanche

5 barrages en moins, 40 % d’électricité en plus : un tournant à la fois écologique et énergétique

Plateforme de restitution et centrale de Gavet (©EDF, Christophe HUET) et barrage des Clavaux démentelé (©Roberto EPPLE)

Résumé : 

La Romanche est une rivière alpine utilisée depuis de nombreuses années pour produire de l’électricité, ce qui a conduit à une forte artificialisation du chenal. Face aux enjeux environnementaux et à l’obsolescence des ouvrages, plusieurs projets de reconfiguration et démantèlement d’ouvrages ont été réalisés ces dernières années. C’est le cas du barrage de Séchilienne, construit il y a plus de 100 ans et démantelé en 2018 et de la chaine d’ouvrages entre Gavet et Livet, dont les 5 ouvrages ont été remplacé par un ouvrage plus performant.

Inaugurée en octobre 2020, le projet Romanche-Gavet remplace 6 centrales et 5 barrages par un nouveau barrage prise d’eau (Livet) et une usine de production hydroélectrique (Gavet) environ 10 km en aval, avec une hauteur de chute de 163m, et une galerie d’amenée creusée dans la montagne sous le massif de Belledonne sur 9.3km. Les 5 ouvrages ont été démantelé entre 2021 et 2023, laissant la voie libre sur près de 10 km.

Le projet en plus de permettre la restauration de la continuité écologique et des habitats (estimé à 1ha cumul des anciennes retenues) inclus des objectifs de renaturation de la vallée. Ainsi, plusieurs friches industrielles, notamment les anciennes usines hydroélectriques ont été démontées pour libérer 4ha d’espace et améliorer l’environnement local redonnant vie à la vallée jusque là laissée à l’abandon. Plusieurs projets de valorisation du territoire sont en cours. Ce projet montre que l’on peut à la fois augmenter la production d’énergie et restaurer la continuité écologique et ouvre la voie à la renaissance de la vallée.

Toutes les décisions et faits marquants autour du projet

Le démantèlement du barrage de Séchilienne

Le barrage de Séchilienne a été construit autour de 1917, pendant la Première Guerre mondiale, initialement pour la production de gaz de combat. Par la suite, il a été utilisé dans la production d’électricité pour alimenter l’usine de Noyer Chut. Toutefois, avec le détournement de la Romanche en 1946 pour l’usine du Péage de Vizille, la production d’énergie du barrage a fortement diminué. De plus, l’usine se trouvait dans une zone à risque d’éboulement, ce qui a rendu son maintien non pertinent.

En 2009, l’État a acquis les infrastructures liées à l’usine, y compris le barrage et le canal d’amenée. Entre 2010 et 2013, la DDT (Direction Départementale des Territoires) de l’Isère a procédé à la démolition de l’usine, au comblement du canal et au retrait des vannes qui réglaient le niveau d’eau. Ce démantèlement n’a pas seulement une visée écologique, mais aussi sécuritaire, en particulier avec le comblement du canal d’amenée pour éviter les risques de chutes et le retrait des vannes qui, sans alimentation électrique, pouvaient se refermer accidentellement.

Le financement du projet provient de plusieurs sources, notamment de l’État, de la Région Rhône-Alpes (devenue Auvergne-Rhône-Alpes en 2016), du FEDER et de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse.

Les équipements de la nouvelle infrastructure hydroélectrique de Romanche -Gavet

Le barrage prise d’eau du Livet capte l’eau de la Romanche et l’achemine vers la centrale souterraine de Gavet. Le barrage dérive un débit maximum de 41 m³/s. Afin de préserver l’écosystème aquatique et maintenir la vie piscicole, un débit minimum de 3,8 m³/s est laissé dans le tronçon court-circuité, soit 1/10ème du module. L’eau passe par une prise équipée de grilles et d’un dégrilleur avant d’entrer dans la galerie. Cette galerie permet de transporter l’eau sous pression vers la centrale. Elle traverse ensuite une cheminée d’équilibre pour stabiliser la pression. À la sortie, l’eau chute de 163 mètres dans une conduite forcée qui alimente deux turbines Francis pour produire jusqu’à 97 MW d’électricité. Cette centrale produit 560 millions de kWh par an, soit 40% de plus que les anciennes installations, ce qui couvre la consommation annuelle d’environ 230 000 habitants, pour se donner un ordre d’idée, c’est l’équivalent habitant des villes de Grenoble et de Chambéry. L’implantation souterraine de l’infrastructure limite l’impact visuel et écologique.

Effacement de 5 ouvrages sur la moyenne Romanche

Les 5 ouvrages entre Livet et Gavet n’ayant plus d’usage, ils ont été démantelés entre 2021 et 2023. Le barrage des Clavaux a été arasé et un seuil de fond a été réalisé pour stabiliser le lit, atténuer le risque d’érosion et permettre le passage des poissons migrateurs. L’élimination des anciens barrages vieillissants va permettre de restaurer la continuité écologique du cours d’eau sur une dizaine de kilomètres, d’améliorer la qualité de l’eau et de favoriser la reprise du transport naturel des sédiments. Les habitats aquatiques et un fonctionnement naturel de la rivière va pouvoir être restauré sur ce tronçon.


©IGN – ©Géoportail, site des Clavaux

Retour d’expérience sur la renaturation de la vallée

Le projet a permis non seulement de restaurer la continuité écologique et les habitats naturels, mais aussi de transformer le paysage de la vallée. Plusieurs friches industrielles, dont d’anciennes usines hydroélectriques, ont été démantelées, ce qui a libéré 4 hectares et amélioré le cadre de vie des riverains. La centrale des Vernes, protégée au titre des monuments historiques, a été conservée. Les sites de Rioupéroux et Livet font encore l’objet de réflexions quant à leur avenir. D’autres projets de requalification notamment pour le hameau de Rioupéroux sont également à l’étude.

Pour restaurer les berges, stabiliser les sols et favoriser la biodiversité, plus de 8 350 arbustes et 500 kg de graines locales certifiées « Végétal Local » ont été plantés par l’Office National des Forêts.

La vallée ainsi renaturée ouvre de nouvelles perspectives pour la valorisation de son patrimoine naturel et historique. Un sentier de 9 km a été aménagé dans les gorges de la moyenne Romanche, il retrace le passé hydroélectrique du site et relie les différents hameaux en suivant le cours de la rivière. Enfin, le musée de la Romanche à Rioupéroux permet aux visiteurs de découvrir l’histoire industrielle et les grandes étapes de la transformation de la vallée.

Pour aller plus loin

Localisation

La Romanche prend sa source au glacier de la Plate des Agneaux, situé dans la commune de Villar-d’Arêne au cœur du massif des Écrins. Elle traverse les départements des Hautes-Alpes et de l’Isère en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes. Sur une longueur de 78 km, son cours se termine à sa confluence avec le Drac, entre les communes de Champ-sur-Drac et Varces-Allières-et-Risset à une altitude de 257 m.

Les cinq anciens barrages et trois anciennes centrales hydroélectriques de la Romanche étaient répartis le long de la vallée entre la centrale de Gavet et le barrage prise d’eau du Livet en Isère.

De nombreux obstacles subsistent encore sur la Romanche, dont le nouveau barrage de prise d’eau de Livet équipé d’une passe à poisson. Néanmoins, les travaux de restauration ont permis de rétablir la circulation des poissons entre la prise d’eau de Peyron et le barrage du Clapier, ainsi une continuité piscicole est rétablie sur 37 km.

Nouvelle centrale Romanche-Gavet


© IGN – © Géoportail

– Puissance : 97 MW
– Production annuelle : 560 millions de kWh (soit 40 % de plus que les 5 anciennes installations)
– Hauteur de chute : 163 m
– Longueur de la galerie d’amenée : 9,3 km
– Équipements : 2 groupes Francis tournant à 500 tr/min

Le barrage prise d’eau du Livet


© EDF

– Type : barrage mobile à clapets
– Hauteur sur lit de rivière : 6,3 m
– Largeur totale : 43,7 m
– Equipé d’une passe à poissons de 24 bassins
– Volume de la retenue : environ 180 000 m³
– Longueur de la retenue : près de 2 km
– Débit maximum dérivé vers la galerie d’amenée : 41 m3/s
– Débit réservé : 3,8 m³/s