Vers le Nouveau Poutès

Rivière Allier (bassin de la Loire), Haute-Loire, France

Barrage de Poutès (2015, EDF)  et après arasement partiel (2021, photo R. Epple)

L’évolution des travaux

Résumé : Le barrage de Poutès a été construit sur l’Allier pour la production d’électricité en pleine seconde guerre mondiale et sans autorisation. Depuis la fin des années 80 il est au cœur des préoccupations des associations de protection de l’environnement. En effet, ce barrage a causé la quasi disparition du grand saumon de Loire et demeure encore aujourd’hui un obstacle majeur au programme de sauvegarde de l’espèce, mis en place dans le cadre du Plan Loire Grandeur Nature. Pendant plus de 20 ans les associations, les élus locaux et EDF (qui exploite le barrage) ont été en conflit autour de cet ouvrage, les associations demandant son effacement. Fin 2011, une solution de compromis émerge, le barrage sera maintenu mais abaissé et profondément modifié. Le climat s’apaise. En mars 2015 EDF reçoit le renouvellement de la concession (droit d’exploitation) pour 50 ans avec des obligations de résultats pour la montaison et la dévalaison des migrateurs.  Le projet « Nouveau Poutès » se construit collectivement. Malgré de profondes nouvelles modifications du projet fin 2017, les travaux de reconfiguration du barrage de Poutès débuteront en 2019 jusqu’en 2022. En octobre 2022, le nouveau barrage de Poutès est inauguré.

Toutes les décisions et faits marquants autour de la campagne Poutès

« Nouveau Poutès Optimisé » : Modalités techniques

Le barrage sera de 7m de haut (17m de haut actuellement et 4m initialement prévu) pour une retenue de 400 m de long (3500m actuellement et 350m prévu initialement). Le transport des sédiments sera restauré par la mise en place de vannes centrales qui permettront la circulation des sédiments lors des crues morphogènes (100m3/s) mais aussi 91 jours/an en période de montaison des salmonidés (printemps et automne). Ce dispositif de franchissement permettra durant ces 3 mois une transparence totale de l’ouvrage pour les poissons. Le reste du temps un ascenseur associé à une passe à poisson sera fonctionnel. Le débit turbinable sera identique à celui d’aujourd’hui (28m3/s, contre 20m3/s dans le projet initial), avec un arrêt de la production d’hydroélectricité pendant les 3 mois d’ouverture des clapets. La dévalaison sera optimisé grâce à des grilles au niveau de la prise d’eau plus fines (12 mm au lieu de 20 mm). Plus d’infos sur le nouveau Poutès optimisé.

Quelles échéances pour la mise en oeuvre du projet ?

En  mars 2017, 2018, et 2020 des mesures d’exploitation temporaire sont mises en place pour favoriser la dévalaison du saumon. Ainsi la retenue est abaissée de 6 mètres (1km de retenue au lieu de 3,5 km) et un exutoire de dévalaison est aménagé sur le seuil de la vanne rive gauche (lame d’eau de 70 cm minimum). plus d’infos

Des travaux préparatoires de reconfiguration de la retenue à l’amont sont réalisés en 2017 (déplacement des sédiments sur les berges). Plus d’infos 

Les travaux dureront 3 ans et commencent en 2019. A l’été 2019 la retenue du barrage est totalement vidée et la vanne de fond grande ouverte. Une plateforme devant le barrage est installée pour permettre l’accès des engins au chantier. Le démantèlement des 3 vannes (20 tonnes chacune) est réalisé en août 2019.

Suivi du projet

L’information et la concertation de tous les partenaires sur ce projet, vont se poursuivre grâce au comité de suivi environnemental existant qui traite de tous les ouvrages de la concession.
Le comité de suivi du règlement d’eau veillera à la meilleure prise en compte des objectifs environnementaux sur l’ensemble de la concession (franchissement piscicole, montaison et dévalaison, débit et transit sédimentaire, la gestion des éclusées à l’aval de Monistrol, les suivis liés à l’augmentation des débits réservés sur l’Ance du Sud ainsi que l’étude sur les phénomènes de dévalaison piscicole au barrage de Pouzas).  Ce comité de suivi du règlement aura tout pouvoir de décision pour moduler les périodes de transparence.

Le règlement d’eau sera élaboré entre septembre 2019 et la mise en service de l’ouvrage en étroite concertation avec les acteurs concernés. Les prescriptions pourront être révisés au vu des études et des résultats des suivis des objectifs environnementaux de montaisons et de dévalaisons afin d’apporter les mesures correctives sur la durée du contrat de concession. Il sera d’ailleurs imposé un retour d’expérience de la montaison au bout de 8 ans, afin d’anticiper pendant 2 ans les études d’avant-projet nécessaires et de déboucher ainsi sur une mise en œuvre effective au bout de 2 ans ce qui permettrait de gagner en cas de remise en cause de la montaison 5 ans par rapport au cahier des charges.

Un long processus pour aboutir à cette solution de compromis

Le barrage  : un obstacle majeur à la reproduction du saumon sauvage

Depuis son édification en 1941, la barrage serait à lui seul responsable à 90% de la perte des grands saumons de la Loire et de l’Allier.  » A partir de 1950, les captures totales n’étaient plus, en moyenne, que le cinquième de ce qu’elles étaient avant 1941  » (Cohendet, 1993). Depuis, seuls 8 % des 2200 hectares de frayères fréquentées au début du XIXe siècle sont actuellement accessibles.

En 1986, un ascenseur couplé à une passe à poissons classique a été mis en service pour permettre la remontée des adultes avant reproduction. Une glissière pour la dévalaison des jeunes saumons (ou smolts) a également été prévue. Ces aménagements, restent à l’heure actuelle très peu efficaces et les solutions techniques sont épuisées.

Nécessité d’établir la continuité pour la remontée et la dévalaison du saumon et la circulation des sédiments !

L’État français a la responsabilité de la conservation de la dernière population de saumon de grande migration de toute l’Europe de l’Ouest (l’espèce est inscrite sur la liste rouge mondiale des espèces menacées). La nécessité de protéger cette souche a naturellement conduit l’État à mettre en œuvre plusieurs programmes de conservation et de restauration de cette espèce emblématique depuis plus de vingt ans. Ce sont des dizaines de millions d’euros qui ont été investis successivement dans le cadre des différents Plan  » Loire Grandeur Nature « , au travers des plans  » Saumons Loire Allier »,  y compris en 2001, dans le programme LIFE-Nature « Sauvegarde du grand saumon de Loire ». Ces actions visent principalement à restaurer leurs habitats de reproduction et de grossissement et soutenir la population de saumon.

Les actions les plus marquantes pour la restauration du saumon au niveau du bassin de la Loire :

  • 1994 : Interdiction de la pêche du saumon sur l’ensemble du bassin Loire-Allier
  • 1998 : Destruction du barrage de Saint-Etienne-du-Vigan sur l’Allier et celui de Maisons-Rouges sur la Vienne
  • 2001 : Inauguration de la salmoniculture de Chanteuges, la plus importante en Europe pour le repeuplement des rivières à saumons.

Malgré tous ces efforts, le grand saumon de Loire est toujours au bord de l’extinction. Le colloque final du programme LIFE « sauvons le grand saumon de Loire », organisé par l’Etablissement Public Loire le 08/12/2004 à Clermont-Ferrand, a montré sans contestation possible d’après les études du CSP (ex-Onema puis Agence Française pour la Biodiversité) et de LOGRAMI, que le barrage de Poutès était l’enjeu primordial pour la préservation du saumon atlantique. La reconfiguration de ce barrage permettra de rendre crédible et cohérentes toutes les actions menées jusqu’à ce jour et qui ont mobilisé des millions d’euros d’argent public.

Démanteler ou reconfigurer le barrage de Poutès ?

Le complexe hydro-électrique de Monistrol d’Allier est composé de trois barrages dont les eaux sont turbinées à l’usine de Monistrol d’Allier : le barrage de Poutès sur l’Allier et deux autres, plus petits, sur l’Ance du Sud. Ces derniers ne sont pas sans impacts sur l’écosystème. Cependant, c’est bien le barrage de Poutès qui hypothèque la survie du saumon Loire-Allier, en lui barrant l’accès aux frayères.

Dès 1991 les associations de protection de la nature et les pêcheurs demandent le démantèlement du barrage de Poutès et la conservation des ouvrages sur l’Ance du Sud pour continuer à produire de l’électricité (ils représentent la moitié de la production du complexe). Une mobilisation citoyenne contre le barrage se met en place et durera 20 ans. L’usine de Monistrol d’Allier est occupée par SOS Loire Vivante et Robin des bois en 1991. Suite au lancement en 2002 du processus de renouvellement de la concession entre EDF et l’Etat, une campagne nationale pour le démantèlement de Poutès est organisée en 2004, avec le soutien du WWF et de Patagonia.

Campagne ‘La remonté du saumon’ © SOS Loire Vivante

Une étude neutre, commanditée par l’Etat, démontre l’impact négatif de Poutès sur le saumon et conforte l’Etat de ne pas renouveler la concession, pourtant l’enquête publique de 2006 aboutit à un avis favorable sous réserve. Trois forces locales s’opposent alors : les associations de protection de la nature, EDF et les élus locaux qui souhaitent conserver l’ouvrage, celui-ci rapportant des taxes locales à la commune. Cette situation de blocage conduit à des contacts informels directs entre les associations et EDF, d’où émergent les prémices d’un « Nouveau Poutès ».

EDF propose une alternative qui consiste à l’effacement total de l’ouvrage et à la mise en place d’un seuil amovible quelques centaines de mètres en amont, permettant un turbinage au fil de l’eau, tout en maintenant 80 à 90% de la production hydroélectrique. Les associations approuvent cette solution contrairement à la majorité des élus.

En 2011, une seconde proposition est faite par EDF ; celle-ci est rejetée par les ONG car non conforme aux cahiers des charges. La troisième proposition sera la bonne. Le 6 octobre 2011, Nathalie Kosciusko Morizet annonce officiellement devant le Congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, la reconfiguration du barrage de Poutès. Un consensus est enfin trouvé.

Le projet technique est alors élaboré en partenariat avec toutes les parties prenantes, EDF, scientifiques, Etat, associations de protection de la nature, élus, et modélisé dans les laboratoires de EDF à Chatou.  Le « Nouveau Poutès » est un projet novateur et partenarial, issu de l’intelligence collective.

Mais en mai 2016 deux semaines avant la date prévue du lancement des travaux de reconfiguration de la retenue, préalable à la modification du barrage, Jean-Bernard Levy, PDG de EDF suspend le projet au vu des difficultés financières de l’entreprise. Le prix de l’hydroélectricité trop faible sur le marché ne permettant pas de réaliser cet investissement novateur. Le projet co-constuit est en péril et la confiance des acteurs au plus bas.  lire le communiqué de presse.

En 2017 un nouveau calendrier plus étalé dans le temps (6 ans au lieu de 5 ans) est présenté (lire le communiqué de presse). Mais les fonds pour réaliser la modification du barrage ne sont toujours pas réunis. Néanmoins les travaux de reconfiguration de la retenue amont débutent en juin 2017. Le plan d’eau est abaissé d’environ 8 mètres pour permettre les travaux.

Pour arriver à l’équilibre financier, un projet « Nouveau Poutès optimisé » est élaboré à partir de l’automne 2017. Celui-ci tient compte des résultats de l’étude de dévalaison des smolts d’avril 2017 et d’études menées sur la retenue pendant son abaissement en juin 2017. Cette version du projet est validée par les services de l’Etat en septembre 2018.

Tous les détails sur la campagne contre le barrage de Poutès
dernière mise à jour de la page : 20/01/2020

Vers le Nouveau Poutès !

Localisation

Le barrage de Poutès se situe dans un verrou rocheux des gorges de l’Allier en Haute Loire, à quelques 70 km des sources de l’Allier. Sa situation géographique en fait le principal obstacle pour l’accès des saumons aux sites de reproduction les plus productifs (60 % du potentiel de reproduction est ainsi hypothéqué).

voir la carte interactive du bassin de la Loire et de ses barrages

Le complexe hydroélectrique de Monistrol d’Allier

Le complexe hydroélectrique de Monistrol d’Allier est alimenté en eau par le barrage de Poutès (sur l’Allier) et deux autres barrages en série : Saint Préjet et Pouzas (sur l’Ance du Sud).

Barrage de Poutès :
– Hauteur : 17,7 mètres
– Largeur : 85 mètres
– Débit réservé : 2,5 m3/s depuis 1992 (avant seulement 0,5m3/s). L’étude du CEMAGREF préconise deux fois plus.
– Fonctionnement par éclusées
– Tronçon court-circuité (Vieil Allier) : 10 km
– Débit maximum turbinable : 28 m3/s
– Module Allier à Poutès : 16,9m3/s

Retenue de Poutès :
– Volume : 2,4 millions m3
– Longueur 3,5 km,
– Surface 39 ha

Usine de Monistrol d’Allier :
– turbine eau de l’Allier (barrage de Poutès) + l’eau de l’Ance du Sud (2 barrages : St Préjet d’Allier et Pouzas)
– production 82 millions de kW (soit 0,0015% de la production national totale)

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