Petite et micro-hydroélectricité : Un développement partout en Europe, un boom inquiétant en France !

Définition de la petite et de la micro-hydroélectricité

En France et dans beaucoup de pays européens, les catégories de centrales hydroélectriques sont définies selon la puissance de la centrale :

  • la pico-centrale : <20 kW
  • la microcentrale : de 20 kW à 500 kW
  • la mini-centrale : de 500 kW à 2 MW
  • la petite centrale : de 2 à 10 MW

Globalement, on regroupe sous le terme de « petite hydroélectricité » les centrales de puissance <10MW.

La part de la petite hydro en Europe

L’hydroélectricité représente environ 80 % de la production d’électricité à partir de ressources renouvelables en Europe et 19 % de la production totale d’électricité en Europe. La part de la petite hydroélectricité dans la production d’électricité en Europe est d’environ 3 %.

Selon une étude réalisée par l’ESHA (European Small Hydropower Association) en 2004, environ 14 000 petites centrales hydroélectriques d’une capacité totale de 10 000 MW étaient en service dans l’UE-15 à cette époque. Elles fournissent une production annuelle d’environ 40 000 GWh. Dans les nouveaux États membres (UE-10), il existe environ 2 800 petites centrales hydroélectriques d’une capacité totale de 820 MW et d’une production annuelle moyenne de 2 300 GWh.

Dans les pays candidats (PC), il y a environ 400 centrales avec une capacité totale de 600 MW et une production annuelle moyenne de 1 400 GWh. La capacité moyenne des installations individuelles est de 0,3 MW dans l’UE des 15, de 0,3 MW dans les nouveaux États membres et de 1,6 MW dans les pays en voie d’adhésion. Selon les chiffres d’Eurostat pour 2002, la plus grande part de la capacité totale des petites centrales hydroélectriques dans l’UE-25 a été installée en Italie, avec 21 %, suivie de la France, avec 17 %, et de l’Espagne, avec 16 %. Parmi les nouveaux États membres, la Pologne et la République tchèque arrivent en tête avec 2 % chacune de la capacité totale des petites centrales hydroélectriques de l’UE-25.

Selon le plan d’exportation des SER de l’UE de 2002, le potentiel économiquement viable en Europe est d’environ 250 TWh par an, ce qui correspond à une capacité de 55 GW. Un supplément de 450 TWh par an ou une capacité de 100 GW semble actuellement techniquement mais économiquement non réalisable.

Boom des petites et micro centrales : le cas inquiétant de la France !

En France, il y a environ 2 270 centrales d’une puissance <10 MW, ce qui correspond à 2 200 MW de puissance installée sur le territoire. Les petites centrales hydroélectriques fonctionnent essentiellement au fil de l’eau, sans barrage de retenue ou réservoir. Elles sont le plus souvent équipées d’un petit barrage qui permet de créer un dénivelé. Cette hauteur de chute, conjuguée au débit du cours d’eau détermine la puissance de la centrale exprimée en kilowatts (kW). Depuis 2016, la plupart des petites centrales touchent des aides très avantageuses grâce au rachat de l’électricité à un prix bien plus élevé que celui du marché ou grâce à une prime (appelée complément de rémunération), accordée notamment aux les installations comprises entre 0,5 et 4,5 MW. France Hydro Electricité estimait fin 2019 à 2 054 le nombre de contrats d’achat pour 2 000 MW environ. (>> PDF sur le subventionnement de la petite hydro)

Pourtant, ces centrales bénéficiant d’un soutien financier ne totalisent que 1,9 GW de puissance électrique installée, soit environ 7 % de la puissance totale du parc hydroélectrique français, et produisent moins d’1% de la consommation électrique nationale !

>> Retrouvez un rapport complet de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) sur les coûts et la rentabilité de la petite hydroélectricité en 2020.

Ce développement des petites centrales hydroélectriques est en totale contradiction avec les politiques de restauration des milieux aquatiques

Sur fond de transition énergétique et de loi d’autoconsommation, qui offrent un cadre juridique favorable, la petite hydroélectricité continue de se développer. Elle bénéficie de subventions et de tarifs de rachat règlementés. Finalement construire une microcentrale devient une opération financière intéressante pour propriétaires et porteurs de projets tout en satisfaisant la conscience écologique et climatique !

La plupart des sites à potentiels énergétiques sont déjà équipés. Les zones à enjeux sont désormais en première ligne, sans considération des efforts faits pour les restaurer ou les préserver. C’est aussi bien le cas sur des rivières joyaux dans des parcs nationaux que sur d’autres cours d’eau classés en liste 1 et liste 2. La moindre chute d’eau est convoitée pour être équipée : seuils, moulins en première ligne – en profitant d’éventuels « droit fondé en titre » – mais des sites épargnés ne sont pas en reste.

Ces nouveaux projets situés pour la plupart sur des rivières de montage et en chaîne, ont des impacts démesurés sur les écosystèmes aquatiques au regard de la production d’électricité générée : destruction d’espèces et d’habitats protégés, mortalité piscicole et blessures dans les turbines et déversoir, dégradation des habitats dans les tronçons court-circuités, continuité écologique dégradée, altération de la qualité de l’eau, risque de dégradation de l’état de la masse d’eau, etc. pour quelques kWh.
C’est aussi bien le cas sur des rivières joyaux dans des parcs nationaux (plus d’infos voir la plaquette Les projets de microcentrales menacent les rivières sauvages) que sur des axes de migration pour les grands migrateurs (saumon atlantique, lamproie marine, alose, anguille…).
Pourtant leur protection est exigée par le classement selon l’Article L214-17, le SDAGE Loire Bretagne et le Plan de Gestion des Poissons Migrateurs (PLAGEPOMI).

A l’heure où la résilience des écosystèmes doit être améliorée, les micro- et –pico centrales augmentent la pression sur les milieux déjà fragile en pleine transformation et adaptation au changement climatique. Quelle est la vision à long terme de ces projets ? La production (et donc les retombées économiques) sera-elle toujours au RDV compte tenu des épisodes de sécheresses même hivernale, de la baisse des débits annuels et l’évolution de la répartition des pluies déjà observé ? C’est une facture salée qui nous attendra si nous laissons ces projets d’intérêt privés condamner notre patrimoine.

>> Voir la position de ERN sur l’hydroélectricité.

Nos études de cas en France

Une centrale hydroélectrique sur le barrage de Vichy (Allier, rivière à saumons)
>> voir notre page dédiée
>> télécharger la fiche synthétique (dernière mise à jour, mars 2023)


Le barrage de Descartes sur la Creuse, 1er obstacle depuis l’océan, bientôt équipé ?
>> télécharger la fiche synthétique ( dernière mise à jour, novembre 2021)


Une centrale à Ebreuil (03) (Sioule, affluent de l’Allier)
>> télécharger la fiche synthétique (dernière mise à jour, mars 2023)


Une microcentrale à Chanteuges (Desges, gorges de l’Allier)
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>> télécharger la fiche synthétique (dernière mise à jour, mars 2023)


La multiplication des centrales sur le bassin de l’Alagnon, rivière à saumons
>> télécharger la fiche synthétique ( dernière mise à jour, novembre 2021)


L’exemple du Petit Tabuc, parmi les cours d’eau alpins menacés
>> télécharger la fiche synthétique, dispo en anglais uniquement


Autres projets en cours ou abandonnés
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